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L’HEREDO.

tance, mais, dès que nous prêtons l’oreille, il reparaît. Il intervient dans nos mobiles, comme dans nos rêveries, comme dans nos scrupules, comme dans nos remords, comme dans nos désirs. Il tend à morceler notre personnalité en un certain nombre de personnages, qui se provoquent, viennent aux prises, luttent, se réconcilient, s’apaisent, s’endorment, puis recommencent. La plupart des humains sont ainsi le jouet d’influences qu’ils ne cherchent pas à démêler, ou qu’ils baptisent de noms pompeux, tels que fatalité, nécessité, entraînement irrésistible, passion funeste. S’ils y regardaient d’un peu plus près, ils s’apercevraient que, dans les trois quarts des cas, ils sont victimes d’un immense laisser-aller et d’un engourdissement paresseux du soi. Ils sont là, devant les alternatives héréditaires de leur moi, comme au spectacle, amusés, puis surpris, puis peinés, puis attachés, puis esclavagés, et, quand l’idée leur vient d’intervenir, il est parfois trop tard pour leur énergie défaillante. Alors ils continuent, mécontents d’eux-mêmes et des autres, à tourner la roue congénitale.

Xénon est fils d’un père avare, d’une mère