Page:Léon Daudet – L’Hérédo.djvu/95

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
89
SHAKESPEARE ET BALZAC.

se domine et se reprend. Il sait où il va. Les violents sont punis dans leur violence, les méchants châtiés dans leur méchanceté, les fourbes dupés par leur propre fourbe, les sanguinaires inondés de leur propre sang, les ambitieux crucifiés sur leur rêve. Macbeth, lady Macbeth, Hamlet, Othello, Richard III, Tybalt, Brutus, ont vécu conformément au moi de Shakespeare, Ils meurent conformément à son soi. De toutes leurs fureurs et folies éparses se dégage une sagesse souveraine. La palpitation du pardon est au-dessus de ces châtiments extrêmes, de ces corps brisés et de ces plaies béantes. Divin silence, après la chute de tant de clameurs !

Vous me direz que l’hérédité de Shakespeare était terriblement chargée pour qu’il ait pu, en l’écoulant, en la ranimant par sa plume, projeter tant de corps et de visions. Sans doute. Néanmoins à y regarder de près, le peuple nombreux de ses personnages se ramène à une quinzaine de typifications dont il a tiré des combinaisons, et des secondes et troisièmes moutures. Car il aimait jouer à décomposer et recomposer ses héros, ceux et celles aux réactions de qui se complaisait sa