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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

connaissant la Révolution qu’à travers les manuels, où elle est représentée comme l’origine et le summum du patriotisme français. Il y avait bien eu, contre les parlementaires, des salauds par définition, tel le général Boulanger, mais il s’était tué, et pour une femme. On ne fait pas ça, quand on aime vraiment son pays. Bref, Clemenceau interpella, eut un triomphe, déclara, aux applaudissements de tous, que la Révolution était « un bloc » — ce qui ne signifiait rien, Car il y a des blocs de sang et d’ordures — et Thermidor fut retiré de l’affiche. Les collègues de Clemenceau le blaguaient :

— On connaît là que vous n’aviez pas vu la pièce. C’est idiot. Il fallait la laisser crever tranquillement.

— Vous n’y comprenez rien, ripostait le directeur de la Justice. La Révolution est un bloc. Je défends qu’on y touche.

La police allemande de Paris, aux aguets, exploita le mécontentement du monde des théâtres, de Sarah Bernhardt qui pleurait en répétant : « C’est affreux, mais c’est affreux ! » à Porel, directeur de l’Odéon, et à Koning, directeur du Gymnase. Si c’était ça la liberté, zut alors ! L’indignation gagna les cercles et les boulevards, et le radicalisme apparut à tous comme une sujétion intolérable.

À la Comédie-Française chacun était navré et voyait là une entrave à la civilisation, une atteinte aux lois divines et humaines.

À la Chambre ses collègues abordaient Clemenceau.

— Mon cher, c’est hardi ce que vous avez fait là, et je vous ai applaudi. Mais la liberté de la scène, qu’en faites-vous ?