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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

La causerie, s’élevant comme une spire de fumée, vint sur les apparences et les faux semblants de la vie. Clemenceau debout, une main dans sa poche droite, prit de nouveau la parole :

— Mon père, vous vous le rappelez, Geffroy…

— Un type épatant, dit Geffroy en serrant les dents…

— …était alors seul dans la maison de campagne et entouré de vieux serviteurs, en qui il avait toute confiance et qu’il traitait comme des amis. Un soir qu’il montait se coucher, après avoir lu toute la soirée, il entendit des voix dans la cuisine, descendit quelques marches. Ses gens s’exprimaient sur lui le patron, sa femme, ses enfants avec la pire grossièreté et un grand froid lui traversa le cœur, car il était foncièrement bon : « Quel naïf j’étais ! » pensa-t-il… Il remonta, éteignit sa lumière et réfléchit amèrement aux réalités qui se cachent derrière le monde des apparences.

— Beau sujet de roman… dit Alphonse Daudet. Pour ma part quand, dans un beau site, je vois, par un beau temps, une belle propriété, château ou domaine seigneurial, je me demande toujours quel est le drame qui couve dans ce charmant décor. De même je ne puis contempler un magistrat assis, en toge rouge ou noire, et condamnant un pauvre bougre qui a volé un pain ou outragé la pudeur en public, sans me demander ce qu’il a sur la conscience, ce superbe juge…

Maurice Nicolle alors raconta le dernier scandale de la Faculté de Médecine. Un professeur ami d’un autre professeur moins âgé que lui, trompé par lui et s’ouvrant les veines dans son bain, comme un héros antique.

— Était-elle jolie ?… questionna Forain,