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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

Cependant ses amis de Paris firent savoir au voyageur qu’un scandale venait d’éclater auquel ses adversaires essayaient de le mêler à travers le préfet Lépine. Il n’y était pour rien, certes, mais le préfet Lépine l’avait toujours agacé avec son cabotinage et son air de pète sec. Puis, dans l’affaire Dreyfus, il avait pris parti contre Dreyfus.

De retour à Paris, ayant trouvé les ressources suffisantes, il fonda un nouveau journal l’Homme libre où il eut pour collaborateurs Chichet, homme de métier et bon camarade ; Georges Mandel, d’esprit délié, d’une rare énergie et féru de parlementarisme ; Jean Martet, un débutant qui promettait, dont l’ironie naturelle et l’indépendance lui plaisaient. Le premier numéro de l’Homme libre parut le 5 mai 1913.

Auparavant, en janvier 1912, Clemenceau, membre de la Commission des Affaires étrangères au Sénat, avait appris de plusieurs sources, et notamment par le ministre du quai d’Orsay, de Selves, que Caillaux, se cachant de ce dernier, avait entamé des négociations secrètes avec l’Allemagne. Caillaux, sur interrogation directe, jura qu’il n’en était rien, mais l’on devait avoir par la suite dans les mains des documents indéniables, — les fameux « verts » interceptés par les services du chiffre — prouvant qu’il en avait menti. La colère de Clemenceau fut d’autant plus vive qu’il sentait monter et grandir du même pas les préparatifs guerriers des Allemands, et la tentative de rapprochement occulte de son ancien ministre des Finances. Dès ce moment celui-ci fut à ses yeux un traître. Il conseilla à de Selves de démissionner, ce qui entraînerait la démission de Caillaux devenu président du Conseil. Poincaré, qui avait, lui aussi, une profonde horreur