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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

Des saluts ! Quelquefois rien que des flamboiements d’yeux brûlés d’une résolution invincible. Impénétrables blocs d’héroïsme en sentinelles perdues dont l’ordre est de se faire tuer jusqu’au dernier servant sans jamais ralentir le feu. Par la mort, la victoire : chacun d’eux a compris. Effroyable silence de ces cœurs abdiquant toute chance de survivre au triomphe pour lequel ils offrent leur vie. Quelles paroles viendraient aux lèvres quand le regard dit tout ce qui remplit l’être à déborder ?…

Et lentement continue le retour à la plaine sous l’obsession de ces casques bleus, chargés de tragédie, sortant de la montagne pour inspecter l’inspection survenue, et rentrant, comme automates, aux entrailles de la terre, pour le grand face à face des espérances de la vie et du sacrifice de tout pour toujours.

Cependant, ceux d’en bas avaient eu le temps de se concerter.

Lorsqu’on reçoit un ami et qu’on ne peut même pas lui offrir un siège, ne faut-il pas au moins l’accueillir d’une courtoisie ?

Sitôt fait. Et voici que s’élancent vers le visiteur d’incohérentes figures blêmes de poussière, qui font mine de s’aligner pour le salut militaire, tandis que le chef s’avance et, d’une voix saccadée :

1re compagnie, 2e bataillon, 3e régiment. Voilà !

Et la rude main présente un petit bouquet de fleurs crayeuses, augustes de misère et flamboyantes de volonté.

Ah ! ces frêles tiges desséchées ! La Vendée les verra, car J’ai promis qu’elles iraient dormir avec moi. Déjà, ne sentez-vous pas qu’elles sont de notre fête aujourd’hui ?

Mais ce « Voilà », ce « Voilà » frémissant de tous