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Page:Léon Daudet – La vie orageuse de Clemenceau.djvu/291

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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

railles civiles, scandale intolérable. Clemenceau répondit simplement qu’il n’avait pas envie de mourir.

Le 16 janvier donc eut lieu au Sénat, selon l’usage, une réunion préparatoire pour l’élection présidentielle, Dans la rue les gens attendaient le résultat avec impatience sans se douter des intrigues qui se jouaient dans le vieux palais. Ignace, moi et quelques autres, nous multipliâmes pour Clemenceau. Nous sentîmes bien des résistances. Nous eûmes bien des réponses évasives. Les regards, devant notre question, fuyaient. Finalement le Père la Victoire eut 389 voix contre 402 à Deschanel ! Venu aux nouvelles, Philippe Berthelot, radieux mais railleur me dit : « Ils pouvaient élire un homme. Ils ont préféré la poupée. » Plusieurs rappelaient l’élection de Loubet et le mot de Clemenceau : « Je vote pour le plus bête. »

Clemenceau reçut la mauvaise nouvelle avec sa dignité ordinaire. Ignace me dit qu’il s’était fait beau pour la circonstance : redingote noire et cravate blanche Ce n’est pas la version du général Mordacq. Au fond, cet échec l’avait ulcéré. La justice immanente, quelques années plus tard, réservait la même tape à Briand. Mais celui-ci avait saboté sérieusement la victoire, au lieu que Clemenceau l’avait gagnée. Clemenceau était un héros. Aristide Briand une crapule.

Clemenceau rédigea la lettre suivante à l’adresse de Léon Bourgeois, président de l’Assemblée Nationale :

« Monsieur le Président,

Je prends la liberté de vous informer que Je retire à mes amis l’autorisation de poser ma candi-