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Page:Léon Daudet – La vie orageuse de Clemenceau.djvu/47

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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

— Enchanté.

— Le lard n’est pas trop salé ? C’est l’écueil. Et les haricots ne sont pas trop cuits ?

— Tout ça se porte à merveille. Qu’est-ce que ce pinard que vous nous servez ?

— Du Mâcon, monsieur le député, c’est mon pays.

— Il va. Envoyez-en vite une autre bouteille. Passons aux affaires sérieuses. Que pensez-vous du journal, Durranc, et vous, Martel ?

Durranc répondit :

— Qu’il est un peu sérieux, pas trop mariolle, mais bien fait. Naturellement, nous n’avons pas les nouvelles du Figaro.

— Notamment en ce qui concerne les théâtres. ajouta Martel.

— Question de budget, Martel. En journalisme comme en politique, les finances commandent tout.

— Et dans la vie privée aussi.

— À qui le dites-vous ! Ce métier de député serait ruineux si l’on répondait au dixième des tapeurs. À la Chambre, je ne reçois personne, Chaque visite, c’est une demande de place ou d’une pièce de cent sous. J’en ai assez.

— Vous mangez trop vite, dit Durranc. Vous attraperez mal à l’estomac. Cependant vous êtes médecin.

— Justement. Pendant mes études je déjeunais en un quart d’heure, et mes copains faisaient comme moi. Le soir une soupe, une vraie, dans le genre de celle-ci, et du fromage. Mais, intellectuellement, quelle vie intense ! Les études médicales sont plus substantielles, et de loin, que le grec et que le latin. Il y a de belles choses dans la littéra-