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Page:Léon Daudet – La vie orageuse de Clemenceau.djvu/51

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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

— Vingt-cinq centimes, monsieur le député.

— Tenez, voici encore vingt-cinq centimes. Cela vous fera un demi-franc. À la revoyure !

— À la revoyure, monsieur le député.

— Au revoir, monsieur le curé.

Marchant d’un bon pas, courant presque, Clemenceau arriva alors que le train de Paris était en gare. Ses amis lui firent signe, Il les rejoignit vivement :

— Ah, leur dit-il, je m’étais encore engagé dans une controverse religieuse. Quelle manie !

Puis, brusquement :

— Nous allons boulotter chez Brébant, près du journal. Ce n’est pas cher et c’est, je crois, le jour des pieds Sainte-Menehould, prononcez Sainte-Menou. L’os est friable dans la bouche, comme un tuyau de pipe en terre.

— Un os qui casse sa pipe, quel spectacle macabre !

La neige avait cessé. L’entrée de Clemenceau chez Brébant, un dimanche, provoqua la curiosité. Il y avait là Catulle Mendès au milieu d’un cercle de jeunes gens qui récitaient des vers de Baudelaire :

— C’est lui !… N’est-ce pas, maître, que c’est lui ?.… Mais non, ce n’est pas lui…

— Bonjour, cher ami, dit Mendès par-dessus deux tables, en grattant sa blonde chevelure de lion.

— Bonjour, Mendès.

Puis, à mi-voix :

— Comment se fait-il qu’il n’ait pas avec lui une petite amie ? Il déroge à toutes les règles.

Martel, qui connaissait les potins de théâtre, raconta qu’une toute jeune actrice, récemment conquise par le Don Juan du romantisme no 2, s’était sauvée de sa couche en hurlant.