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Page:Léon Daudet – La vie orageuse de Clemenceau.djvu/63

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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

Unis, une Américaine avec laquelle « ça ne marchait pas », et dont il avait trois enfants. Il n’était pas riche, mais sa tenue était celle d’un gentleman, lavé, frotté, récuré comme une poterie vernissée, fidèle en ses amitiés, infidèle en ses amours, remarquablement intelligent, peu sensible, bien doué pour l’offensive, telle était sa formule. Quand il a collé une étiquette sur le dos d’un monsieur, Paris ne la change guère. Son tempérament, altier et frondeur, heurtait tous les capons, qui sont légion, et chacune de ses boutades leur semblait une offense personnelle.

La Chambre est, en dehors de tout, un endroit divertissant, le grand club de Paris, où l’on entend tous les potins, d’où prennent leur essor tous les scandales.

L’afflux provincial n’y avait pas encore étouffé le noyau parisien d’une vingtaine de dégourdis et de renseignés que rejoignait la turbulence des journalistes parlementaires. C’était à qui, dans les couloirs, raconterait la meilleure anecdote, colporterait le surnom le plus gaillard. C’est vers cette époque tumultueuse que se rejoignirent, pour dauber sur Grévy et son entourage, les vieux amis de Gambetta, tels que Thomson et qu’Etienne et les partisans de Clemenceau. On découvrit sans peine que le gendre de Grévy, un certain Wilson, député de Loches, lascar sans scrupules, menait une existence crapuleuse et avait installé à l’Élysée même, avec une vieille maquerelle, du nom de Limouzin, une boutique de décorations. La police de Sûreté et le directeur d’une feuille tombée, le 19e Siècle, du nom de Portalis, tenaient tous les fils de cette dégoûtante histoire. L’un des premiers avertis, Clemenceau tenait sa revanche. Mais il voulait