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Page:Léon Daudet – La vie orageuse de Clemenceau.djvu/67

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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

la politique étrangère. Toute une France allemande se constituait ainsi, que venait de déchirer brutalement Clemenceau par la puissance de sa parole et son esprit de ressentiment national.

Celui-ci ne s’en doutait guère, étant, de nature, insouciant et peu méfiant, Il ne devait découvrir les méfaits de la police allemande de Paris, de la police politique en général, que lors de son accession au pouvoir, quelque vingt ans plus tard ! De plus il n’était pas franc-maçon — ce qui explique bien des choses — et quand on lui serrait le pouce de la main trois fois d’une certaine façon, il répondait en riant : « Ah nan, nan… je n’en suis pas ! »

L’infériorité des généraux du Second Empire par rapport aux généraux allemands l’avait beaucoup frappé et il en avait cherché la raison. N’était-ce pas que la pépinière des seconds était luthérienne, c’est-à-dire douée d’esprit critique, alors que la pépinière des premiers était rue des Postes, chez les Jésuites. Dans son enfance et sa jeunesse, Clemenceau avait entendu parler avec horreur des disciples de saint Ignace et de leurs monita secreta. Au Quartier Latin il avait retrouvé le même préjugé, grossi de Michelet et de Quinet, das les milieux médicaux. Il se créait facilement des marottes et des obsessions. Aucun doute, c’était le cléricalisme qui nous avait fait perdre la guerre de 1870. Ce qui importait, pour la revanche, c’était de confier autant que possible le haut commandement à des hommes de gauche, où du moins affranchis des superstitions romaines. Ces hommes, il s’agissait de les dénicher et de les pousser.

C’est ainsi qu’au moment même où les élections législatives de 1885, qu’avait soigneusement préparées le comte de Paris, semblaient donner un