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Page:Léon Daudet – La vie orageuse de Clemenceau.djvu/75

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LA VIE ORAGEUSE DE CLEMENCEAU

— Je m’appelle René, répondit Goblet sèchement.

— Ça va, repartit Clemenceau, la grenouille dans le gobelet.

On en rit, à la Chambre pendant trois jours, et Boulanger plus fort que les autres. Rue Saint-Dominique, dans les bureaux de la Guerre, chacun pensait que ça allait barder. Mais Boulanger, ayant son idée ambitieuse bien arrêtée, ne songeait qu’à être agréable à tout le monde et d’abord à ses subordonnés. Il avait donné ses instructions là-dessus à son gendre, Driant, qui devait faire, avant toutes choses, ce que lui demanderaient les parlementaires, de droite, de gauche et du centre. Quant à lui, il mettait toujours, en signe de cordialité, la main droite sur l’épaule de son interlocuteur, une main douce, couverte d’un duvet blond.

Le bruit s’était rapidement répandu que Boulanger devait son portefeuille à Clemenceau. Celui-ci venait presque chaque jour rue Saint-Dominique, et lui rappelait qu’ils avaient fait leurs études ensemble, à quatre classes de distance, au lycée de Nantes. Il mettait le soldat, magnifique mais superficiel, et ignorant tout de la politique, en garde contre les embûches parlementaires et contre les intrigues des salons, où l’on parlait déjà amoureusement du brillant ministre à la barbe blonde.

— Méfiez-vous des invitations à dîner des gens de droite. Le prince Plonplon a raison de dire que ce sont de mauvaises gens.

— Qui est Plonplon ? demanda avec une feinte naïveté Boulanger, fort bien renseigné.

— Le fils de Jérôme, le frère de la princesse Mathilde, l’ennemi juré de l’Impératrice.

Boulanger avait déjà reçu un émissaire de ce