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LE MONDE DES IMAGES.

double l’observation immédiate, la prolonge et la complète. Quelquefois elle la contredit, et il en résulte un état mental bizarre, la conscience ne sachant ce qu’elle doit préférer de la quasi certitude due au témoignage des sens, ou de cette autre forme de certitude qui naît de la confiance totale dans le pressentiment. Le raisonnement géminé est alors analogue à celui-ci : « Tout indique que je dois passer par un et deux pour arriver à trois. Néanmoins, il y a en moi cette conviction que j’arriverai à trois sans avoir besoin de passer par un et deux. » Ceci prouve que la détermination d’un acte est plus complexe qu’on ne le croit et que les figures intérieures héréditaires y jouent un rôle important. C’est le soi qui libère l’esprit tiraillé et l’oriente finalement dans la bonne voie.

On comprend maintenant par quel mécanisme le dérèglement, temporaire ou permanent, d’une personimage (notamment sous une action toxique ou sexuelle) aboutit à fausser l’intuition et à faire d’elle une appréhension générale, morcelée ou non en phobies. Les ennemis imaginaires, les troubles hallucinatoires, les visions terrifiantes n’ont pas d’autre origine. Corruptio optimi pessima. La faculté la plus secourable de l’homme, l’intuition, devient ainsi son pire tourment.

Tout d’abord il convient de considérer le sexuel, le sensuel, le sentimental, et le sensible ou sensitivo-émotionnel, comme la série, en solution de plus en plus diluée, des étapes d’une même émotion ou d’un