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MÉMOIRE ET DESIR.

mer, et inversement, dans les imaginations ardentes. Celles-ci conçoivent la femme comme un élément (voir les Anciens, Racine, certaines poésies de Baudelaire) et cherchent des analogies entre elle et cette immensité liquide, d’où le paganisme fit sortir Vénus.

Sauf les cas exceptionnels où elle se précise, et revêt des formes et des couleurs analogues à la mémoire personnelle, la mémoire héréditaire, qui commande d’ailleurs nos mouvements coordonnés et nos gestes, est diffuse dans l’esprit comme dans le corps. Imaginez que les endroits où nous avons vécu aient laissé leur empreinte photogénique sur nos téguments, comme ils la laissent sur notre rétine, les endroits où ont vécu nos ascendants seraient à ces empreintes ainsi qu’un halo, renforçant ici et là les nuances et les couleurs, les atténuant ici et là. C’est ainsi que les choses doivent se passer pour l’esprit, mille et mille fois plus impressionnable que le revêtement cutané, encore que l’embryologie assigne la même origine à la peau et au cerveau.

La tendance proverbiale et la faculté de créer des chansons de route semblent des conjonctions de la mémoire héréditaire et de la mémoire personnelle. Tout au moins peut-on discerner dans ces productions (qu’une fausse doctrine, d’origine allemande, attribue au peuple anonyme, mais qui émanent toujours d’une personne déterminée) le double goût, l’inclusion indiqués plus haut. Ce n’est pas ici le lieu de passer une revue générale du folk-lore.