L’accent profond et sagace de sa voix nuancée est reconnaissable dans chacun de ses vers, et souvent dans deux mots d’un hémistiche. Joignez à cela une liberté d’allure souveraine, qui lui fait employer, comme en se jouant, tous les rythmes. Les proverbes, qui nous occupent ici, jaillissent spontanément sous sa plume, traduisant, à chaque instant, la reviviscence d’une mémoire artisane, rustique et forestière, venue de loin, incomparable. Ses animaux sont de la quintessence d’hommes, et jugent nos passions et leur vanité, ainsi que d’un promontoire, qui est l’acquit mnémonique héréditaire, qui ne peut être, quand on y réfléchit, que cela.
Ainsi, dans la création littéraire, dans la formation et l’élimination d’images qui constituent cette création, un des deux éléments du désir — l’élément soi — va éveiller et stimuler la mémoire personnelle, individuelle, alors que le second, l’élément moi, va éveiller et stimuler la mémoire congénitale. J’appelle là-dessus l’attention de mes confrères. Chacun d’eux, au moment où il compose, dans le feu de la création, pourra constater sur lui-même cette dualité, qui va souvent jusqu’à l’ambiguïté. La mémoire immédiate donne le récit et les circonstances du récit. La mémoire héréditaire donne la perspective et, en un mot, la poésie vraie, avec toutes ses prolongations.
Il serait facile de multiplier les exemples. Voici La Rochefoucauld, l’auteur des Maximes. Chacune de celles-ci part d’un cri ou d’une observation per-