Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/21

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

foie, les reins et les os, aussi bien qu’avec le cerveau. Il y a pas d’acte d’imagination somatiquement isolé. Sans doute ne percevons-nous pas toutes les répercussions organiques de nos images, pour la bonne raison qu’elles sont quelquefois trop vastes et quasi universelles, ou bien infiniment petites, presque imperceptibles. Cependant, en nous appliquant, nous pouvons les suivre assez loin. Que celui, par exemple, qui a peur, examine le fourmillement minutieux de la peur, qui va du cœur aux doigts de pied et à la pointe des cheveux, et il sentira et il percevra la solidarité de ce réseau physico-moral, que seul maintient et réfrène un soi solide, un commandement venu de la raison et de l’équilibre par la sagesse, joint au vigoureux tonus du vouloir.

Nous entendons dire journellement de celui-ci, de celui-là : « C’est un imaginatif… », ou « il n’a pas d’imagination », « c’est un effet de son imagination », ou « faut-il qu’il ait peu d’imagination ! » En effet, la faculté d’imaginer existe chez tous les hommes, mais non au même degré. Il y a ceux chez qui elle intervient à titre d’incident, d’épisode ou d’accident ; ceux chez qui elle est consubstantielle à la réflexion et qui ne pensent que par images, personnelles ou ancestrales, ou mi-personnelles mi-ancestrales, et que par constructions imaginaires. Les rêveurs, les poètes nés, les hommes d’action, appartiennent à cette seconde catégorie. Chaque peuple, chaque race, chaque tempé-