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LE MONDE DES IMAGES.

gouverne, à la façon d’un soleil intérieur, ces satellites, invisibles mais sensibles, que sont les hérédofigures ou personimages. Incandescent et lumineux, le soi projette sa lumière sur certaines parties de certaines d’entre elles, alors que les autres parties sont plongées dans l’ombre. Nous n’avons pas tous nos souvenirs à la fois. Nous n’évoquons périodiquement que quelques-uns d’entre eux parmi beaucoup d’autres, qui demeurent cependant à la disposition d’un effort de notre mémoire. Il est des souvenirs, des images perdus à jamais. D’où trois degrés dans l’ombre intérieure : l’omission, l’oubli, l’amnésie. L’esprit humain est comparable à une vive lumière, projetée sur des sphères en mouvement (les personimages), elles-mêmes douées de prolongements sphériques et organiques, qui obéissent aux lois de la circulation et de la gravitation intérieures, et qui constituent notre corps. Il n’est rien de plus fragile, ni de plus solide à la fois que cet ensemble, et Pascal est sans doute l’écrivain qui a le mieux senti et rendu cette impression de fragilité, jointe à cette impression de solidité.

L’omission est donc la règle de l’esprit humain, pour toutes les parties, ou segments, des hérédofigures et pour toutes les hérédofigures plongées dans l’ombre, ou dans la pénombre. Cette omission s’applique, bien entendu, aux idées et aux sentiments, aux paysages et aux circonstances, ainsi