Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/27

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velle à courts intervalles, avec une intensité décroissante. Mutatis mutandis, il en est de même pour le cas de dysphorie, également soudain, suivi également de répétitions de moins en moins vives. J’attribue ces cercles voluptueux ou douloureux, qui vont s’élargissant et s’atténuant, à la transformation de la personnalité, des divers assemblages du moi héréditaire, qui constitue l’écorce de la personnalité, dont le noyau immuable et immortel est le soi. Les ancêtres heureux et équilibrés donnent l’euphorie, les ancêtres malheureux et déséquilibrés la dysphorie, sans motifs apparents, qui accompagnent le changement de décor intérieur.

Chez Shakespeare, Molière et Balzac, la pluie d’images de cette nature constitue le ressort comique et tragique. L’image shakespearienne est courte, et, en quelque sorte explosive. Elle éclaire tout un pan de la nature humaine, ou du personnage qui la porte. Elle ne tient pas à la trame de la tragédie, mais elle l’illumine en la déchirant. L’image balzacienne est diffuse et heurtée. Elle se prolonge sous l’image suivante, et s’insère sur l’image antécédente, ainsi que s’imbriquent les tuiles d’un toit. L’image molièresque est cohérente, poursuivie et divisée, par le dialogue, entre les principaux protagonistes. C’est ainsi que chaque auteur, méritant ce nom, possède un type et comme un point dentellier d’images, reconnaissable entre tous les autres, et qui constitue en somme ce que l’on appelle le style. Ce style, qui est l’homme, est aussi et surtout l’image.