Page:Léon Daudet – Le Monde des images.djvu/31

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C’est ce qui explique que les poètes les plus hauts, les écrivains les plus puissants (pourvu qu’ils soient non spécialisés) soient accessibles même aux illettrés. L’être le plus humble, le primaire le plus démuni, est naturellement avide de culture générale. Il y a, dans l’ignorant, une soif de connaissances, que n’étanchent ni les romans-feuilletons, ni les aventures extraordinaires, ni les films policiers du cinéma. Le socialisme est né du rêve de science et de philosophie qui hante l’ouvrier manuel, et que n’apaise pas, comme chez le paysan et le marin, la contemplation de l’horizon, de ciel, de terre ou de mer. Une réflexion, ingénieuse ou sage, aplanit, à tous les niveaux, les difficultés matérielles de la vie et panse les plaies de la misère, comme de la richesse. Mais alors que le riche a de quoi chercher une dérivation fausse et décevante dans la commodité extérieure ou le luxe, parfois le pauvre, privé de cette fallacieuse ressource, se replie sur ce véritable trésor intérieur qui ne coûte rien, ou presque rien, et qui soulage pour de bon.

La méditation, soutenue par un beau et bon texte, ou éveillée par le spectacle de la vie ambiante, voilà le vrai népenthès, et qui ne laisse pas après lui la désillusion de l’opium ou de la cocaïne.

Je me rappelle une conversation que j’ai eue avec Maurras, le 23 mars 1918, au moment de la marche des Allemands, qui venaient de bousculer une armée anglaise, vers Paris. Mon angoisse patriotique était grande et, ne pouvant dormir, je cherchais un déri-