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Page:Léon Daudet – Le stupide XIXe siècle.djvu/121

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L’ABERRATION ROMANTIQUE

lui, dans une série d’ouvrages, prétendus critiques (dont le comique ne sera jamais dépassé) peuvent être exposés en quelques lignes : L’homme est un animal comme les autres, aboutissement d’une série zoologique, et conditionnée, déterminée par des forces naturelles, que le XIXe siècle a « révélées ». Ce qui mène l’homme, ce sont ses instincts ; et son excrément, moral et physique, a autant d’importance que lui. D’où la nécessité (pour faire vrai) de peindre, dans le détail, et ces instincts et ces excréments. Voilà la « Tranche de Vie » ; voilà le « coin de nature vu à travers un tempérament », voilà le naturalisme expérimental… Ce qui est confondant, ce n’est pas qu’un ignorant et un primaire tel que Zola, doué en outre d’une facilité graphique surprenante et de l’aperception des foules en mouvement, ait écrit cinquante volumes scatologiques, en partant d’une telle pauvreté, c’est qu’il ait entraîné vers son purin, comme vers une fontaine de Jouvence, plusieurs centaines de milliers de lecteurs et plusieurs centaines d’amis des lettres, parmi lesquels quelques dizaines de véritables connaisseurs. Que des écrivains aient traité en écrivain ce façonnier d’ordures de même forme, de même trempe, et souvent (comble d’horreur !) symétriques, cela montre l’anarchie et la misère intellectuelle de tout un temps. Ce temps va de 1875 à la mort de Zola, en 1901, soit vingt-six ans. C’est un bon quart du siècle stupide.

Or Zola n’est que la suite de Hugo ; le naturalisme n’est que l’aboutissement naturel du roman-