servage de la plèbe leur avait été imposé par l’épée d’un vainqueur. Chacun s’est ainsi figuré une conquête originelle, d’où était venu son bonheur ou sa souffrance, sa richesse ou sa misère, sa condition de maître ou sa condition d’esclave. Une conquête, c’est-à-dire un acte brutal, serait ainsi l’origine de l’ancienne société française. Tous les grands faits de notre histoire ont été appréciés et jugés au nom de cette iniquité première. La féodalité a été présentée comme le règne des conquérants, l’affranchissement des communes comme le réveil des vaincus, et la Révolution de 1789 comme leur revanche. »
Fustel ajoute, en son magnifique langage, qui semble gravé dans une pierre heureuse, que cette opinion funeste de la dualité française « est née de l’antagonisme des classes et a grandi avec cet antagonisme. Elle pèse encore sur notre société présente. Opinion dangereuse, qui a répandu dans les esprits des idées fausses sur la manière dont se constituent les sociétés humaines, et qui a aussi répandu dans les cœurs les sentiments mauvais de rancune et de vengeance. C’est la haine qui l’a engendrée, et elle perpétue la haine. »
Le destructeur du principe faux, d’après lequel la propriété « c’est le vol », de l’autre principe faux, d’après lequel la différence actuelle des classes perpétue une expropriation brutale des Gaulois par les envahisseurs Francs, le restaurateur de l’idée d’unité