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AFFAISSEMENT DE LA FAMILLE ET DES MŒURS.

Même remarque pour les autres classes de l’institut, et notamment pour l’Académie des Beaux-Arts, justement surnommée l’Académie des Laids-Arts. Quant à l’Académie des Sciences morales (dont le titre est à lui seul une dérision) elle est, en réalité, le dépotoir de tous les laissés pour compte de la politique et du barreau. Les gens « bien pensants », qui la composent, y ont accueilli récemment, à bras ouverts, un ancien préfet de police du nom de Lépine, qui s’était illustré en faisant asperger et assommer les jeunes catholiques sur le parvis de Sainte-Clotilde et du Gros-Caillou, au moment de l’affaire dite des Inventaires. Je cite souvent ce fait historique, comme le symbole de la déraison des classes dites « dirigeantes » au stupide XIXe siècle et dans les premières années du tragique XXe. Ces classes sont en réalité dirigées par deux mobiles : l’envie et la peur. Elles envient l’homme qui sort du rang, dans quelque domaine que ce soit ; et, s’il embrasse la cause de l’autorité et de l’ordre, elles ont peur de lui, peur des représailles imaginaires que son audace, et surtout ses succès, risqueraient d’attirer à leur pusillanimité. Il n’est rien de plus joyeux (quand on possède un bon estomac bien entendu) que de défendre la société et la tradition, au nom de principes un peu fermes, et de voir aussitôt se hérisser ceux-là mêmes pour la sécurité desquels on se dévoue. Le libéral, ce pilier d’Académie, ayant depuis cinquante années et davantage, l’habitude d’une certaine ration de coups de bâton et de caveçon, que lui administrent les