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LE STUPIDE XIXe SIÈCLE.

midi. Ils puisent une confiance invincible dans l’incohérence qui les a portés au pouvoir, puis brisés.

J’ai connu, fréquenté et même aimé, de fameux libéraux. Je me suis toujours demandé en quelle inconsistante mie de pain était construit leur débile cerveau. Depuis que je suis député et que j’ai vu fonctionner de près ce régime absurde d’assemblée, où prend forme oratoire le libéralisme, ma pitié pour un tel état d’esprit s’est encore accrue. Alors que la force de l’être humain est dans l’affirmation et la certitude, toutes les facultés du libéral sont tendues vers l’équivoque et l’aboulie. Imagine-t-on rien de plus comique que des parlementaires qui se réclament encore, en 1920 (!) de la charte périmée des Droits de l’Homme et du Citoyen et de la dictature du Tiers, de 1790 à 1793, et qui tonnent, et s’indignent, et vocifèrent contre la révolution russe de Lénine et la dictature du prolétariat ! Quelle savoureuse inconséquence ! Mais la tribune, comme le papier, et peut-être encore mieux que le papier, supporte tout, pourvu que celui qui l’occupe ait un certain ton et un certain ron-ron.

Le libéralisme, c’est l’individualisme, donc l’anarchie édulcorée. Il aboutit, en fait, à la finance, à la pire et à la plus dure des tyrannies : celle de l’or. Inutile d’insister sur le mécanisme par lequel il annihile toute originalité de pensée, puisqu’il ne table jamais que sur des moyennes. Quand on le traque dans ses inconséquences, son suprême refuge est dans l’abstention. J’ai remarqué l’espèce de