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STUPIDITÉ DE L’ESPRIT POLITIQUE.

tout à l’humeur et même quelquefois le bon sens, joignant ainsi à l’irréalisme politique du XIXe siècle la légèreté redoutable du XVIIIe siècle finissant. Le second se délectait d’une humeur sombre et solitaire, à la façon de Manfred, et son sens historique général était combattu par un byronisme latent et dissimulé, qui l’écarta de tout aboutissement politique. Ni l’un ni l’autre ne pouvait servir de chef, ni de guide et on le vit bien dans la tourmente dreyfusienne de 1887 à 1900 où, maîtres de l’opinion française, ils se firent battre, sur le terrain de cette opinion, par un politicien de quatorzième ordre, qui était Waldeck-Rousseau. Ceci prouve que, si les écrivains politiques contribuent à la couleur d’une époque, il y a, dans l’ambiance politique de cette époque, quelque chose qui finalement les domine, s’ils n’arrivent à la dominer. La volonté est la seconde phase, et la plus intéressante, de l’intelligence. Rochefort et Drumont eurent de l’entêtement, non de la volonté politique ; ce qui fit qu’ils restèrent dans la polémique et ne pénétrèrent point dans l’État.

Comme clairvoyance dans le domaine de la politique étrangère (qui est celui de l’aberration principale, en France, sous le premier, le second Empire et les trois républiques), on ne peut citer, au lendemain de 1870, qu’une femme, mais extraordinaire et géniale, Mme Edmond Adam, en littérature Juliette Lambert, fondatrice et directrice de la Nouvelle Revue. Mme Edmond Adam, dans cette publication bimensuelle où j’eus l’honneur de faire mes débuts, s’était donné comme tâche la dégermanisation de