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La demeure que je m’étais choisie avait six étages, et j’habitais au sixième un appartement de trois pièces dont une cuisine. Une vieille mégère, la mère Pidou, qui cumulait les rôles de concierge et de femme de ménage, m’y accompagna. Son mari jouait les Trouillot quelque part. Je possédais un lit, une lampe, une table, une bibliothèque où j’avais déjà réuni les premiers livres nécessaires. Seul, j’eus des réflexions tristes. J’ouvris ces volumes. Les uns traitaient de chimie et fourmillaient de petites lettres ; les autres, ouvrages d’anatomie et de physiologie, me renouvelaient, par leurs illustrations, les tableaux de l’hôpital Typhus. Tels seraient dorénavant mes lugubres sujets d’étude.

Le même jour, j’allai prendre mes inscriptions à la Faculté. Celle-ci se trouvait à l’extrémité d’une rue étroite bordée de marchands d’habits, de marchands d’instruments chirurgicaux et de bouquinistes. On y arrivait donc à travers des couteaux, de la poussière, des os et de la défroque. C’était une considérable construction carrée. Sa cour intérieure était semée de statues, et sur cette cour débouchaient une multitude d’escaliers qui menaient aux amphithéâtres, aux musées, à la bibliothèque, aux laboratoires et aux cabinets des administrateurs. Les monuments des Morticoles sont, sur le modèle de leurs esprits, à compartiments et à cachettes. Je courus de guichet en guichet ; je signai des paperasses innombrables. Je payai un peu plus cher que je n’aurais cru, et je me trouvai étudiant patenté de la glorieuse Faculté de médecine morticole, F. M. M. — F. M. M.

Les premiers temps furent très animés, remplis de surprises et de travaux divers. Ces travaux sont répartis entre un certain nombre d’années. Dans la première, où j’étais, on étudie le matin les sciences accessoires, c’est-à-dire la botanique, la zoologie, la physique, les mathématiques et l’histoire au point de vue médical. Je me levais tôt pour me rendre au cours de chimie. Dans une vaste salle s’éten-