gation des docteurs, des membres du Parlement, du tribunal et de l’Académie. Ces discours paraissaient si beaux qu’ils étaient généralement reproduits dans les journaux de Cloaquol, pour l’édification du peuple. Un quatrième farceur, nommé Lestingué, traitait de l’argent, des moyens de l’acquérir, de l’augmenter, de le conserver. Il nous expliquait, cet économiste, comment toutes les scélératesses sont bonnes et licites, du moment qu’il s’agit de multiplier sa fortune. Il ne niait pas que cette multiplication ne se traduisît par une soustraction aux dépens du voisin, mais il nous fournissait une série de preuves pour réfuter cette théorie révolutionnaire. Il nous proposait jusqu’à dix arguments, quant au droit de vendre ou d’acheter une valeur fictive. Enfin il nous énumérait les moyens commodes de jauger d’emblée le degré de fortune des malades, d’après le loyer, le quartier, l’étage, l’aspect de l’appartement, le nombre des enfants, la toilette des femmes. Aux chirurgiens il conseillait de se faire toujours payer d’avance, et de demander au père de famille, pour la moindre opération, une année de son revenu. Il citait l’exemple magistral de Malasvon, qui n’agit jamais autrement. Il nous initiait aux splendeurs de la dichotomie ; cette coutume est telle : quand un malade, dans un cas grave et pressant, prie son médecin habituel d’appeler une célébrité à la rescousse, le devoir du médecin habituel est de demander à la célébrité le partage intégral de la consultation. « La dichotomie facilite les manœuvres. Elle supprime les discussions, si nuisibles au bon renom de votre art. Elle exprime le client comme un citron. » Les séances de Lestingué étaient les plus suivies, les seules indispensables et où l’on prît des notes. Aux autres cours on somnolait.
Tous les deux jours, revenaient les travaux pratiques d’anatomie. Cela se passait dans d’immenses baraques appelées pavillons, tous au fond de la Faculté. La première fois que j’entrai dans un de ces charniers,