chaque jour, et c’étaient des cris, des larmes, des protestations coupées de longs silences. Sorniude grommelait : « Celle-là me donne plus de mal que dix de ses compagnes. Oh, ces femelles, ces femelles !… » J’étais devenu vicieux peu à peu et je ramassais les miettes de mon maître. Je recueillis bien des confidences sur sa douceur adroite, mêlée de ces irrésistibles brutalités qu’adorent les femmes morticoles. Je m’initiai aux mystères de son action et de sa puissance occulte. Les dames riches raffolent de leur médecin. Celui-ci comble les vides de ces existences désœuvrées que le luxe ne remplit pas, les habitue aux dangereux poisons que l’on débarque par tonneaux sur les quais de la ville. Il les imbibe et les amollit avec l’éther, la cocaïne et la morphine. Il les balance dans ces hamacs tissés de fils mortels, où s’engourdissent la sagesse et l’honnêteté. La malade se livre sans méfiance, confie son corps et son âme aux mains expertes du docteur. Désormais, celui-ci la tient. Il peut la déshonorer à son gré. Il est inattaquable, couvert par ce secret professionnel qu’il viole à chaque instant, ôte et remet comme une veste. Cloaquol, tenté par l’appât du scandale, avait voulu révéler les drames qui se jouaient dans les mousselines et les cretonnes beiges et fraise écrasée de Sorniude. Or la série, à peine commencée, cessait brusquement. En trois jours, mon maître avait entre les mains, et par l’intermédiaire des femmes, de quoi envoyer Cloaquol à la machine électrique.
Enfin, après bien des alternatives, Mme de Sigoin avait pris son parti. Elle se livrait au couteau impeccable de Sorniude. Le lendemain, les trois opérateurs, Bradilin, tout imprégné de chloroforme, Cordre bouffonnant, et mon maître très animé, déjeunaient tranquillement, quand un coup de sonnette violent, impérieux, retentit. Ce n’était pas une main de femme. On se regarda avec stupeur. Sorniude articula d’une voix blanche : « Ce ne peut être Tismet ; il est à une ville d’eaux. » La son-