« Madeleine, pardonne-moi ! Je t’ai fait souffrir. J’étais fou. C’est fini, je suis guéri. J’ai confiance en toi. Monsieur Ligottin, monsieur Avigdeuse, pardon ! Je vous vénère, secourez-moi ! Intercédez pour moi ! Oh, ne m’internez pas ! Je mourrais sans la voir ! Madeleine, implore ma grâce ! Ne me séparez pas d’elle. J’aime tous les docteurs ! J’ai peur de rester ici ! »
Il tournait sur lui-même, il bafouillait ; les mots s’embrouillaient dans sa bouche, et ses larmes coulaient à grosses gouttes. Ligottin remua sa barbe et regarda Avigdeuse, qui, malicieusement, regardait Tismet et la femme impassible : « L’idée de leur jouer un bon tour germe sûrement dans sa tête, pensai-je, et peut-être cela va-t-il sauver l’autre. » Je ne me trompais pas. Avigdeuse coupa le déluge de supplications de sa voix brève, de sa vraie voix : « En présence du repentir sincère de M. de Sigoin et des témoignages qu’il nous offre, je ne crois pas, mon cher Tismet, qu’il y ait lieu d’insister, et je remets mon papier dans ma poche. Monsieur a eu une hallucination fâcheuse. Il le reconnaît. C’est un gros point. S’il était un délirant stable, un solide candidat à l’aliénation, il n’en conviendrait point. — Si, si, j’en conviens », certifia l’infortuné, se relevant avec de gros soupirs, et, à la façon dont il scruta sa femme et Tismet, je compris bien que, la terreur diminuant, la jalousie renaissait dans son âme. « Seulement, ajouta Avigdeuse, attention ! » et, d’un doigt amical, il menaça l’heureux époux. Mme de Sigoin, furieuse, ricanait, accoudée à la barrière, le menton dans ses mains gantées de noir. Lambert me poussa le coude. Tismet était blême de rage. Il s’adressa à Ligottin : « Il me paraît pourtant qu’il y a danger à laisser cette jeune femme près d’un énergumène. Il l’a déjà menacée de mort. Il est permis de supposer… » Mon maître, chez qui la réflexion mettait du temps à circuler, à cause de sa corpulence, sentit néanmoins que sa responsabilité n’était plus couverte. Il répliqua : « J’étais moi-même si décidé,