Page:Léon Daudet - Souvenirs des milieux littéraires, politiques, artistiques et médicaux (I à IV).djvu/363

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la jeunesse des écoles les ignorait. Les impérialistes, accablés par la non-préparation à la guerre et le désastre récent de 70-71, menés d’ailleurs par des hommes vides et ignorants, pactisaient trop souvent avec Israël. Jamais régime n’eut la voie aussi ouverte devant lui que la République, entre 1875 et 1899.

Entré, pour peu de temps, dans la famille Hugo, centre officiel du radicalisme parlementaire, je me trouvais aux premières loges pour observer de près ce monde juif, auquel obéissaient les politiciens. Déjà il m’inspirait une profonde horreur, par son outrecuidance, son impudence ethnique et son mépris affiché pour notre patriotisme traditionnel. J’ai vu, palpé là un avilissement, dont le scandale du Panama ne donne qu’une idée partielle et incomplète. J’ai entendu d’ignobles propos, tenus devant moi en badinant par des coquins qui ne se méfiaient pas. Tout cela est demeuré gravé dans mon souvenir et une infaillible mémoire fait pour moi ces spectacles d’avant-hier, d’il y a vingt-cinq ans, aussi présents que s’ils se jouaient encore sous mes yeux.

Voici l’appartement des Gustave Dreyfus, 101, boulevard Malesherbes. L’immeuble leur appartenait et ils y avaient obtenu, par l’intermédiaire de leur ami Antonin Proust, un bureau de poste qui s’y trouve encore, tant ce genre de location est stable. Le cas est typique, parce que ce Gustave Dreyfus, allié à une tribu autrichienne, n’était pas du tout un mauvais homme, ne manquait pas de bonhomie, ni même d’affabilité ; et sa famille était charmante, à l’exception de son fils nommé Carle, ou Karl, ou Carl — je n’ai jamais su au juste l’orthographe de ce prénom boche — qui avait l’air d’un panaris mûr aux yeux blancs. Cependant il est difficile d’imaginer quelque chose de plus effrayant que les réceptions, sauteries et bals, séances de musique de ces pauvres gens. On s’y trouvait transporté au sabbat, au milieu des singes, des sorcières, des dromadaires à têtes de banquiers et des boucs.

Gustave Dreyfus avait acquis une collection de bronzes, marbres, tableaux de la Renaissance italienne, connue sous le nom de collection Tymbal. Ce qui fait que, pour le distinguer de ses innombrables compatriotes du même nom, on l’appelait Tymbal Dreyfus. Henri Rochefort avait coutume de dire qu’il ne faudrait pas trop s’étonner de rencontrer Goblet chez lui.