Page:Léon Daudet - Souvenirs des milieux littéraires, politiques, artistiques et médicaux (I à IV).djvu/509

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Par là-dessus, toutes nos marches militaires, notamment celle des chasseurs :

Un jour Marie à son amant.....

celle des joyeux :

Si tu vas sur la grand’route
Souviens-toi.....

celle des hussards :

Hussards de France,
Nous sommes tous
Pleins de vaillance,
Joyeux et fous.

Une fois lancés, impossible de nous arrêter. Nous chanterions toute la nuit. Quelques invités de Mme de Loynes, qui avaient des anecdotes à placer, ou des bruits à mettre en circulation, trouvaient bien la séance un peu longue. Mais le sentiment de la taquinerie nous incitait, Maurice et moi, à continuer jusqu’à plus soif, ou plus exactement jusqu’à très soif. La porte s’ouvrait. Entrait le plateau aux orangeades, dans les mains du fidèle Jacques. Le temps d’en siffler chacun une demi-douzaine, et en avant la continuation de la musique !…

Quand Donnay, sur le conseil de Lemaître, posa sa candidature à l’Académie française, en remplacement de Sorel, Grosclaude, Capus, votre serviteur le harcelèrent avec cette recommandation : « C’est très joli, cette candidature, mais il importe auparavant que tu lises tout Sorel, c’est bien compris, la to-ta-li-té des œuvres de Sorel, dont tu n’as évidemment qu’une légère teinture.

— Je lirai tout Sorel », répondait Donnay résigné.

La semaine suivante : « Où en es-tu de la lecture de Sorel ? Peux-tu déjà faire un rapide résumé du rôle qu’il prête à la Pologne ?… »

Maurice nous envoyait coucher gaiement et Mme de Loynes riait de bon cœur. Ainsi s’éparpillait la gravité académique.

Lemaître, conférencier sans rival et doué d’un timbre de voix incomparable, n’avait aucun sens musical. Cependant il chantait la sienne, c’est-à-dire le Temps des cerises, d’un petit