Page:Léon Frapié - La maternelle, 1904.djvu/107

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démie… détenteur d’une parcelle d’autorité… Tenez, j’aime Bonvalot, à qui j’ai donné, en dedans de moi, un surnom sinistre, un surnom blême et fuyant…

À la première table, tout près de la cloison vitrée, Louise Cloutet se tient droite, reflétant exactement la sagesse de la normalienne ; c’est elle que les camarades ont surnommée « la Souris » à cause de sa taille minuscule. Brune, son bout de natte serré d’une rosette grenat, non pas en ruban, mais en tresse vulgaire, la peau foncée, les yeux noirs, petits, luisants, la figure déjà faite, elle a une physionomie sérieuse de femme pauvre, entendue et courageuse. Son tablier noir bouclé d’une ceinture de cuir jaune est presque toujours paré de la croix : avec ses gros souliers de garçon, ses chaussettes noires et ses mollets bis, incroyablement minces, elle n’offre aucune séduction de petite fille ; mais elle fait aimer la vie, elle vous porte à savoir accepter la destinée allègrement. Elle me présage la ménagère parfaite ; ses gestes disent l’économie, la résolution, l’affection, l’indulgence généreuse. C’est surtout la femelle dans le sens de la bonté infinie. Il faut la voir arriver avec son panier, son carton et son frère, un bambin de trois ans, de l’espèce naine aussi, qu’elle appelle son « poussin » ; il faut la voir, au déjeuner, surveiller la nutrition du poussin ! Dans la cour, elle ne joue qu’avec lui comme une poupée. Son dévouement s’est communiqué à trois ou quatre autres gamines ; elle