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Page:Léon Frapié - La maternelle, 1904.djvu/109

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je l’imagine mariée, jouissant de la considération bourgeoise. Pendant les récréations, elle n’est occupée qu’à une chose : farfouiller les culottes des petits garçons soi-disant déboutonnées, ou conduire des garçons aux cabinets, ou inviter les garçons en robe à se baisser pour jouer dans le sable. Douée d’un regard sournois étonnamment rapide, elle singe la maternité de la Souris. Quand on la surprend de loin, en faute, rien ne saurait donner une idée de sa promptitude à rejeter ses mains derrière son dos, à attraper une pose insouciante, distraite, le nez en l’air ; on lui adjugerait tous les agréments : candeur, réflexion, rêverie charmante. Saisie sur le fait, elle nie, les paupières baissées, le bas du visage pincé, avec une obstination de fausse pudeur absolument déconcertante.

Je demande quantité de renseignements à Mme Paulin pendant le sursis restaurateur où nous sommes seules, dans la cantine, avant le déjeuner des enfants. Mme Paulin conserve dans les archives de sa mémoire l’histoire de tous les habitants du quartier.

Il y a huit ans environ, la mère de Virginie, mariée, sans enfant, jeune, ronde, fraîche, était concierge d’une maison où demeurait un contrôleur de l’enseignement, célibataire. Sans instruction aucune, elle épelait à peine les noms des locataires. Un jour, faute d’avoir su déchiffrer la mention « très urgent », elle néglige une lettre adressée au monsieur vérificateur. Grave affaire.

— Eh ! mais, dit aux concierges le destinataire