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Page:Léon Frapié - La maternelle, 1904.djvu/121

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la maternelle

Chaque fois que Mme Fradin me trouve l’air un peu sombre, elle compatit :

— Hein, ma vieille, c’est les pieds qui souffrent !

Du personnel de l’école, c’est moi que les parents voient le plus souvent et de plus près. Le matin, à l’arrivée, je me tiens toujours contre la barrière du préau. (Maintenant que je suis au courant, la directrice ne descend plus dès l’ouverture.) À onze heures, avec une adjointe, je conduis au coin de la rue les élèves qui s’en retournent déjeuner ; des bonnes femmes m’attrapent par la manche, il faut absolument échanger quelques paroles : puis je délivre les enfants que l’on vient chercher ; encore quelques mots. À quatre heures, même conduite dehors, même nécessité de lambiner un instant sur le trottoir.

— Malheureux, que vous n’ayez pas le temps d’accepter un verre.

— Pas le temps du tout, merci.

— Prenez donc une prise.

De quatre à six, même remise d’enfants réclamés à l’intérieur, avec les quelques coups de langue indispensables. Enfin, passé six heures, s’il y a un gamin d’oublié — fait assez fréquent — je vais le restituer à domicile ; et, dame, il faut bien que la mère m’explique tout au long pourquoi elle l’a oublié. Si c’est qu’elle n’a pas eu le temps de courir jusqu’à l’école, je suis perdue : je ne me tire pas de l’explication à moins d’une grande heure dans le courant d’air du palier et de l’escalier.