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la maternelle

moi je torchonne au fond du préau, ou même dans une des classes ; l’adjointe appelle de haut :

— Rose, trouvez donc le panier.

À aucun prix elle ne se mêlerait à la recherche de la mère.

Avec tous les individus que je connais maintenant, ma pensée travaille singulièrement : je peux, à tels enfants, attribuer tels auteurs, par induction, à tels parents, telle existence. Je constate en moi des acquisitions stupéfiantes et des erreurs, des préjugés en déroute, que j’aurais gardés forcément si je n’avais pas touché à la pâte même du peuple.

D’autre part, maintenant que l’école n’est plus un ensemble anonyme, je l’envisage sous un jour nouveau. J’avais commencé par discerner son rôle général, son but selon la théorie ; depuis quelque temps, mon observation devient pratique et je dois dire qu’elle n’est plus optimiste sans réserve. Je crains bien que cette espèce de pressentiment noir dont je suis obsédée pendant mon service ne se rapporte à l’enseignement même. J’entrevois un enchaînement formidable : les parents, les enfants, l’école, la société.

Le souci naît le soir, avec la fatigue, avec la diminution du vacarme scolaire.

Passé cinq heures et demie, le vaste préau prend un aspect morne et vacant de salle publique, avec ses papillons de gaz qui bougent de distance en distance. Les quelques enfants restant, épars sur un banc, sont disposés à sommeiller ou à