Page:Léon Frapié - La maternelle, 1904.djvu/140

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
112
la maternelle

rarement bien fait ; il ne faut pas que les enfants les imitent… Eh, mais, alors… alors l’enseignement de l’école se trompe !

J’étais tout ahurie, je boutonnais de travers, je confondais les paniers, je présentais un béret à Bonvalot ! une coiffure sur les cheveux délayés de Bonvalot ! C’était aussi cocasse que d’allouer des gants à un manchot. La directrice m’appelait, je n’entendais pas ; une courbature extraordinaire m’était causée par l’exercice habituel de m’accroupir, de me relever, de m’accroupir encore devant les tout petits. Mme Paulin traversait silencieusement le préau avec un seau plein de son mouillé pour le balayage des classes, je sursautais : « Hein ? qu’est-ce que vous voulez ? »

Pendant la dernière heure de garde, j’étais encore mal équilibrée. Je ne trouvais rien à dire à « ma fille » Irma Guépin, j’ai fini par remarquer bêtement :

— Tiens, tu n’as plus ton ruban mauve ?

— Celui acheté avec les sous de M. Libois ? Non, je ne l’ai plus, il est tombé dans la boue.

Elle m’a contemplée fixement avec un rire émoustillant, selon son habitude. Pourquoi ai-je rougi jusqu’aux cheveux ? Pourquoi cette moiteur aux mains, — et cette singulière sensation de vide quand Irma a été partie ?

Ce soir, dans ma chambre, là, posément, j’essaie de mettre un peu d’ordre dans mes idées. Voyons, je suis bien de sang-froid, les choses n’ont pas changé : voici ma fumeuse, et ma table de jeu, et le