Page:Léon Frapié - La maternelle, 1904.djvu/188

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Signe de tête négatif.

— Comment ! tu n’aimes pas ta mère ?

— Non, a’m’bat. (Brèche-dents, il crache à distance, en soulevant à peine les lèvres.)

— Et ta tante, que j’ai vue une fois, tu l’aimes ?

Hochement négatif.

— A’m’bat.

— Et ta grande sœur ?

Même jeu.

— A’m’bat.

Il crachote, froidement, d’un air de millionnaire qui regrette mais ne saurait vous accorder ce que vous demandez.

— Et ton père ?

— Y bat maman… il lui jette les assiettes à la tête, elle lui rejette les morceaux.

— Et moi, tu ne m’aimes pas non plus ?

Silence. Il crache moins loin. Puis, un signe furtif, entre nous deux seulement, indiquant que, tout de même, il a un sentiment pour moi.

— Tu m’aimes parce que je te donne des bonbons ?

— Non.

— Parce que je t’apporte ta gamelle, je te débarbouille ?

— Non.

— Pourquoi alors ?

Il me regarde, mécontent, rechigné, puis, les paupières baissées, il dit sans amabilité :

— Parce que y a des images dans tes yeux.

J’y pense maintenant, ce n’est pas bien dangereux