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Page:Léon Frapié - La maternelle, 1904.djvu/219

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M. Libois porte tant d’intérêt à M. le président de la délégation !

Je n’aurais jamais cru qu’une pourpre aussi subite et aussi intense pût monter au visage d’un homme.

Tous les mois, la grosse dame patronnesse en deuil apporte des sacs de bonbons. Il faut des gâteries aux pauvres, d’accord. Mais la donatrice exagère : une moitié de l’argent pourrait être appliquée à des achats de pain : le jour des bonbons je ne cesse de dépoisser avec mon éponge les tout petits qui ressemblent à des oiseaux pris dans la glu ; le sucre vous colle partout, aux tables, aux bancs, aux portes.

Et puis un fait notoire : dans un quartier besogneux, les enfants sont plus privés de soupe que de confiserie. Parfaitement : il est de mode, par exemple, de faire déjeuner un mioche avec un rogaton douteux, une bribe insuffisante, mais de lui donner deux sous pour acheter des bonbons. Une tartine de saindoux et deux sous de pastilles de menthe. — laisse-moi t’embrasser, gros joufflu…

On ne saurait imaginer la bizarrerie des parents à Ménilmontant. Ainsi, l’on croit peut-être que la majeure partie des enfants mangent à la cantine : il est tellement avantageux pour eux de recevoir, moyennant deux sous, une nourriture saine, abondante, bien chaude l’hiver ! La corrosive charcuterie revient excessivement cher. Eh bien ! il n’y a pas la moitié des élèves qui déjeunent à l’école,