Aller au contenu

Page:Léon Frapié - La maternelle, 1904.djvu/259

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

reliquat, cela sent-il assez le convenu, l’ostentation papelarde, l’absence de tout sentiment vrai ? Hein ! est-ce assez en signes extérieurs, cette morale ?

Et comme on se représente bien les enfants façonnés sur cet unique souci de l’apparence ! Comme on les voit, parlant, agissant, pour être appréciés, sans âme et sans naturel, incapables de la moindre impulsion désintéressée.

J’en connais des quantités, à l’école, qui jouent la comédie « du bon cœur ». Virginie Popelin, notamment, excelle dans le genre : lorsque les maîtresses confèrent entre elles, à proximité, ou bien dans l’entrée quand des parents stationnent, elle a d’abord un coup d’œil calculateur et de mise en scène, pour s’assurer du public attentif, puis sa voix monte, d’une amabilité creuse, d’un timbre faux trop poussé à la sonorité :

— Je mangerais bien mon bonbon… mais je m’en passerai, tiens, je te donne mon bonbon, prends-le, c’est pour toi.

Et, sournoisement, elle guigne le bon effet de sa générosité. N’est-ce pas d’exacte tradition ? La vertu sur commande, au moment favorable : faire le bien pour la galerie ! Du reste, le livre ne s’en cache pas, avec son titre d’une exactitude impudente : la Morale pratique. Oh ! l’inconscience, l’âpre cuistrerie du faiseur d’histoires morales !

Quel funèbre dévot laïque, noir, sec, compassé peut avoir conçu l’idée de codifier la tendresse, la palpitation de l’être, le don éperdu de toutes les fibres impressionnables ?