Page:Léon Frapié - La maternelle, 1904.djvu/283

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midi, sur le trottoir, à faire le siège de l’école, avec deux autres voisines solidaires.

Oui, dans le peuple, on a beau laisser les enfants sans soins et les brutaliser d’importance, on les aime et on les respecte.

Un auteur latin a formulé cette belle maxime : le plus grand respect est dû aux enfants. Cette déclaration fondamentale, je l’ai vue développée dans les livres et sur la scène avec la puissante magie de l’art, je l’ai vue magnifiquement obéie, dans la vie, par des gens de haute situation ou de prépondérante intellectualité. J’ai perçu avec une émotion palpitante, non seulement le respect, mais le sacrifice dû aux enfants. Mais quelqu’un m’a fait sentir la sainteté de l’œuvre de race dans ma chair même, « en pratique sublime ». (Je ne sais pas si je dis bien, la valeur des termes m’échappe, je roule dans un abîme.)

Elles étaient là — deux femmes singulières — qui parlaient haut devant la porte, sous le réverbère, chacune tenue au jupon par une fillette écoutant, le museau dressé, les doigts dans le nez.

Sur une allégation dubitative, la mère de Léonie Gras a grandi, d’un sursaut, devant son interlocutrice, et jamais tête renversée en arrière, front superbe, bas de visage serré, paupières de Diane, n’ont exprimé la sévérité d’un acte de devoir, avec plus d’effluves nobles :

— Moi ! ma chère, tout le temps que j’ai été enceinte, pas une seule fois, je n’ai accepté moins de cent sous.