Page:Léon Frapié - La maternelle, 1904.djvu/333

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mense ironie : « Soyez sobres, ayez le respect de vous-mêmes et des autres, soyez justes, soyez bons, etc. » — et dehors : les cabarets, les taudis, la bestialité, l’exploitation !… Croyez-vous que votre enseignement changera la production du quartier ? Chaque portion de Paris garde sa spécialité : dans le faubourg Saint-Antoine, on fabrique des meubles, dans le Marais, se produit l’article de Paris — il semble que, dans le quartier des Plâtriers, on fait de la misère, des enfants, de la prostitution, de l’alcoolisme.

Les heures passent et — fait singulier — j’oublie la réalité, par longs intervalles : l’échéance de demain sort totalement de ma pensée. Mes enfants, vous ne me laisserez pas partir, moi qui vois si clair, moi qui connais si bien votre intérêt !

Un grand événement cet après-midi.

Une ancienne institutrice vient de se présenter, qui — vu sa retraite insuffisante — a l’autorisation de parcourir les écoles et de photographier les élèves par groupes.

La vieille qui n’a plus de larynx et s’exprime surtout par hochements de tête, par sourires, par signes, avoue qu’en définitive elle ne gagne rien à ce métier, mais elle conserve la joie « de voir des classes, d’être au courant de l’enseignement ».

Je considère son costume d’institutrice, autrefois noir, son chapeau ravagé, ses gants troués ; je ne sais quelle envie me prend d’aller m’incliner devant cette détresse acharnée à rester « chargée de service ».