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Page:Léon Frapié - La maternelle, 1904.djvu/53

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la maternelle

je souhaite, moi, l’ex-jeune fille du monde, l’ex-fiancée « promue » femme de service. Je n’aurais peut-être pas eu le courage de continuer mon dur métier, mais vraiment je tiens à vous fournir l’occasion d’exercer vos forces. Comment punissez-vous les femmes qui ont démérité : par insolence directe, ou bien, traîtreusement, par délation ? Je veux, quitte à en mourir, compléter mon expérience de la valeur masculine !… J’ai reçu indûment quelques baisers à valoir sur une dot que je n’ai pas pu livrer ; ils me reviennent aux joues quelquefois, ces baisers… Monsieur le délégué, j’aurais besoin, pour ma guérison, d’être souffletée de main d’homme… »

Mais j’aperçus la concierge de l’école qui, les lèvres pincées, m’épiait avec application par la porte vitrée de la cour. Je balayai.

Le manque d’habitude produit des résultats bien ridicules. Ne rentrai-je pas chez moi nantie d’ampoules à ne plus pouvoir fermer la main ! Par places la peau était enlevée. J’avais trop serré le balai.

Puis, de m’être courbée si bas sur les enfants, je me couchai avec le torticolis, avec mal dans le dos, mal dans les reins, mal dans les jambes.

Le matin, au réveil, chaque mouvement m’arrachait un cri. Mais quoi ! Il fallait marcher ou renoncer à mon emploi.

Je me suis rappelé l’opinion commune en usage pour les douleurs articulaires : « Il faut que ça s’échauffe ! » Je me suis bousculée ; ça s’est échauffé.