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collègue ; il semblerait que j’aie désappris la phraséologie : je demande de bon gré les brèves indications de service, je souris le plus sincèrement possible, je prodigue les acquiescements obligeants, mais, en dépit de mes efforts, je ne trouve rien à raconter. Or la vraie cordialité n’existe que par la longueur des histoires que l’on dévide, d’une bouche à l’autre, entre commères. Je le sais, je le sais ! j’ai honte de ma sécheresse : des femmes que j’ai vues, à quatre heures, s’épancher ensemble, devant l’école, je les repince à six heures, au même endroit, en pleine effusion.

D’une façon générale, je pèche par défaut de gaieté ; malgré mon tempérament plutôt espiègle et quoique j’arrive à balayer, torchonner, arranger des culottes avec une patente sérénité, il reste un nuage.

Pourtant j’ai emprunté un tic à Mme Paulin : dans l’action des besognes particulièrement fatigantes ou répugnantes, je souffle entre mes lèvres, trois ou quatre notes, en échappement de vapeur, toujours les mêmes : tuu… tuutuutû — tû — tûtûtu. C’est très pratique ; cela empêche de penser : on va, on va, comme une machine.

Mais la vraie gaieté peuple, à fond d’insouciance et d’inconscience, je ne l’acquerrai sans doute qu’avec les années.

En attendant, je me suis offert un petit amusement.

Le régulier, le périodique, le calamiteux M. Li-