Page:Léon XIII - Encyclique Rerum Novarum, Sur la condition des ouvriers - 1920.djvu/26

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indigent » (22) pour le salut des hommes ; qui, fils de Dieu et Dieu lui-même, a voulu passer aux yeux du monde pour le fils d’un ouvrier ; qui est allé jusqu’à consumer une grande partie de sa vie dans un travail mercenaire. « N’est-ce pas le charpentier, fils de Marie ? » (23)

Quiconque tiendra sous son regard le Modèle divin comprendra plus facilement ce que Nous allons dire : la vraie dignité de l’homme et son excellence résident dans ses mœurs, c’est-à-dire dans sa vertu ; la vertu est le patrimoine commun des mortels, à la portée de tous, des petits et des grands, des pauvres et des riches ; seuls la vertu et les mérites, partout où on les rencontre, obtiendront la récompense de l’éternelle béatitude. Bien plus, c’est vers les classes infortunées que le cœur de Dieu semble s’incliner davantage. Jésus-Christ appelle les pauvres des bienheureux (24), il invite avec amour à venir à lui, afin qu’il les console, tous ceux qui souffrent et qui pleurent (25) il embrasse avec une charité plus tendre les petits et les opprimés. Ces doctrines sont bien faites certainement pour humilier l’âme hautaine du riche et le rendre plus condescendant, pour relever le courage de ceux qui souffrent et leur inspirer de la résignation. Avec elle, se trouverait diminuée cette distance que l’orgueil se plaît à maintenir ; on obtiendrait sans peine que des deux côtés on se donnât la main et que les volontés s’unissent dans une même amitié.

Mais c’est encore trop peu de la simple amitié : si l’on obéit aux préceptes du christianisme, c’est dans l’amour fraternel que s’opérera l’union. De part et d’autre, on saura et l’on comprendra que les hommes sont tous absolument issus de Dieu, leur Père commun ; que Dieu est leur unique et commune fin, et que lui seul est capable de communiquer aux anges et aux hommes une félicité parfaite et absolue ; que tous ils ont été également rachetés par Jésus-Christ et rétablis par lui dans leur dignité d’enfants de Dieu, et qu’ainsi un véritable lien de fraternité les unit, soit entre eux, soit au Christ leur Seigneur qui est le « premier-