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Page:Léouzon le Duc - Le Kalevala, 1867.djvu/493

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quarante-cinquième runo

tar. C’était la plus méprisable des filles de Tuoni[1], la plus dégradée des filles de Manu[2] ; source de tout mal, principe de mille fléaux ; son visage était noir, sa peau d’un aspect horrible.

Cette hideuse fille de Tuoni, cette vierge aveugle d’Ulappala[3], dressa son lit sur la route, son grabat sur la terre nue ; et elle se coucha le dos contre le vent, le flanc contre l’air dur et froid, vis-à-vis le lever du soleil[4].

Survint un ouragan terrible, une grande tempête du côté de l’orient ; et le vent féconda la femme monstrueuse, sur le champ dépouillé d’arbres, sur la terre vide de gazon.

Elle porta un sein dur, un ventre lourdement chargé ; elle le porta deux et trois mois ; elle le porta quatre et cinq mois, sept et huit mois ; elle le porta neuf mois entiers, suivant l’antique mesure des femmes, et jusqu’à la moitié du dixième.

Alors, le fardeau devint fatigant et douloureux ; mais la délivrance n’arriva point, bien que le terme fût arrivé.

La femme changea de place ; la prostituée se rendit pour accoucher entre deux montagnes, dans l’écartement de cinq rochers ; mais, là encore, la délivrance n’arriva point, bien que le terme fût arrivé.

La prostituée chercha une autre place ; elle se transporta près des sources bondissantes, au sein des ruisseaux murmurants ; mais, là encore, elle ne put déposer son fardeau.

Elle gagna la chute mugissante d’une cataracte de feu, elle plongea au milieu du vaste tourbillon, sous trois torrents déchaînés, sous neuf rochers escarpés ; mais, là encore, la misérable ne fut point délivrée.

Alors, la femme abominable se mit à pleurer, la créa-

  1. Voir page 120, note 1.
  2. Pour Mana, même personnification que Tuoni.
  3. Ulappa, lieu vaste, régions lointaines.
  4. « Kohin päivän koittehesen. »