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Page:Lévi - L’Inde civilisatrice, 1938.djvu/155

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au-dessus de la multiplicité des parlers courants d’origine diverse, et qu’il a façonné un des rares éléments d’unité nationale de l’Inde. Les deux berceaux du sanscrit profane, le Cachemire et Ujjayinī sont restés les foyers les plus actifs de la culture sanscrite jusqu’au triomphe de l’Islam. Les formules et les titres officiels en usage dans le protocole des Kṣatrapa ont pu passer sans changements dans la littérature et s’y sont perpétués, en dépit des variations de l’usage réel ; il est donc légitime de croire que les règles du beau style, recopiées d’âge en âge, ont été élaborées à la cour des satrapes Çaka. Les règles du théâtre classique, en particulier, semblent porter l’empreinte de cette origine à demi-exotique. Un des personnages réguliers du drame indien est le Çakāra, le beau-frère du roi et le chef de la police, grossier, ignorant, prétentieux, un miles gloriosus exploité par les parasites, et qui parle un dialecte spécial où le large emploi des articulations mouillées reflète un trait du parler Çaka.

Les progrès des Çaka dans le cœur de l’Inde avaient déjoué les calculs des Andhra qui s’étaient crus défendus dans leur isolement par l’étendue des terres et des mers. La mer aussi leur réservait une dure surprise. Longtemps les barques indigènes s’étaient contentées de suivre la côte et de naviguer entre deux ports voisins ; plus hardies, des barques arabes allaient parfois du golfe Persique aux bouches de l’Indus. Au temps d’Alexandre, l’entreprise était encore téméraire, même pour des vaisseaux grecs. Le voyage de Néarque passa longtemps pour un modèle d’exploration maritime, pour une merveille d’endurance et d’habileté. Les premiers diadoques cherchèrent, mais en