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Page:Lévi - L’Inde civilisatrice, 1938.djvu/218

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elle-même dans un magnifique raccourci l’existence de l’Inde : aspirations inassouvies à l’apaisement transcendant éternellement refoulées par les rudes exigences de la vie journalière, tendresse des sentiments qui ne recule devant aucun sacrifice, retours d’énergie inattendus qui n’excluent pas les rêveries consolantes de l’imagination. Harṣa tint jusqu’au bout l’engagement qu’il avait pris avec sa sœur. Une trentaine d’années plus tard (643) quand Hiuan-tsang mandé au palais par un messager pressant vint se présenter devant le roi, il trouva sa sœur assise derrière lui. « Elle était douée d’une rare intelligence, et elle excellait dans la doctrine de l’école bouddhique des Saṃmatīya (du petit Véhicule). Dès qu’elle eut entendu dire que le Maître de la Loi avait su exposer les principes sublimes du Grand Véhicule… elle se sentit ravie de joie et lui adressa des louanges infinies. » Au témoignage d’un autre écrivain chinois, contemporain de Hiuan-tsang et bien renseigné, Rājyaçrī partageait avec son frère l’administration des affaires publiques. On voit quel rôle une femme, même une veuve, pouvait tenir encore au viie siècle dans la société indienne, avant l’introduction des préjugés islamiques. En revanche, — conséquence ou simple accident, — la reine n’a laissé aucune trace ; son nom même reste encore ignoré. Le fils qui naquit d’elle ne fournit aussi qu’une carrière terne et ne monta jamais sur le trône.

Au moment de partir à la recherche de sa sœur, Harṣa avait reçu un message d’heureux augure : le souverain du Kāmarūpa (Kamrup, en Assam), Bhāskaravarman, qui portait aussi le titre modeste de Kumāra « le prince », malgré l’éclat de sa naissance et la gloire de sa race, offrait