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IV

LE SACRIFICE ET LA MORALE
LE DIEU VARUṆA

Il n’entre pas dans mon dessein de tracer la physionomie des nombreux personnages qui peuplent le panthéon des Brâhmanas. Je me suis contenté d’indiquer les traits communs qui caractérisent la famille divine dans ses rapports avec le sacrifice, et cette seule ébauche a pu déjà mettre en relief la superbe indifférence morale des dieux ou plutôt de la théologie brahmanique. Il est équitable de contrôler une impression si défavorable par l’étude d’une divinité qui passe en général pour incarner les plus nobles conceptions de la morale védique : Varuṇa. Varuṇa est fréquemment associé avec Mitra ; leurs deux noms accolés résonnent dans les invocations comme une sorte de raison sociale. Les docteurs brahmaniques ne pouvaient pas se refuser à la tentation d’interpréter ce couple par d’autres couples également familiers. Mitra et Varuṇa sont, au hasard des rencontres, l’intelligence et la volonté, la décision et l’acte[1], la lune décroissante et la lune croissante[2]. L’écart de ces interprétations en démontre la fantaisie. Varuṇa est désigné comme le kṣatra, l’essence de la caste royale[3] ; sous ce point de vue il se confond avec Indra, le héros guerrier du ciel[4]. Comme Indra, il porte le titre de roi : « Varuṇa, en vérité, est le roi des

  1. Çat. 4, 1, 4, 1.
  2. Çat. 2, 4, 4, 18.
  3. Çat. 2, 5, 2, 34 : kṣatram vai Varuṇah. — Ib. 4, 1, 4, 1.
  4. Gop. 2, 1, 22 : Indro vai Varuṇah.