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LE NÉPAL


dans la main du mahârâja, se complète et se corrige par une institution singulière où se manifeste le vieil esprit féodal ; toutes les charges de l’État, du mahârâja jusqu’aux plus humbles, sont annuelles. Chaque automne, une commission désignée par le roi revise la liste de tous les emplois, raye les incapables, les indignes, les suspects, pourvoit à tous les postes, licencie la classe et choisit parmi les candidats gourkhas les soldats appelés à servir dans l’armée. Le Gourkha en effet par goût et par dignité laisse aux Névars assujettis l’exercice des autres professions ; il est né seulement pour porter les armes et pour remplir les fonctions de l’État. Son ambition la plus modeste est de recevoir en fief un des lopins de terre que l’État concède aux soldats en service. Pour satisfaire tant d’appétits déchaînés, le Darbar gourkha a dû recourir au procédé ingénieux du roulement annuel qui tient en haleine les bonnes volontés et permet d’exclure les autres. Le sceau rouge du roi est nécessaire pour investir le mahârâja aussi bien que le simple soldat ; afin de défendre son pouvoir incessamment menacé, et de prévenir un caprice aveugle du fantoche royal, le mahârâja prend soin de composer à son gré la maison du souverain, lui donne pour serviteurs ses créatures, pour femmes ses filles ou ses parentes. Mais malheur si une rivalité de sérail déjoue ses calculs et détache de ses intérêts, à l’heure critique de la signature annuelle, la favorite du roi !

En dépit des révolutions de palais et des luttes de partis, le régime gourkha poursuit avec continuité son œuvre de réorganisation. La conquête créait une situation difficile : Au sommet, une peuplade himalayenne, mais mâtinée de sang indien, façonnée par les brahmanes qui lui avaient appris leur langue, inculqué leurs préjugés, imposé leurs institutions, leurs cérémonies et leurs divinités, experte au métier des armes, mais incapable de vivre autrement que