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LE POSITIF

Masses d’Auto-Subsumption[1], puisque les Souillures et la Turbulence[2] en sont l’origine. Et il ne peut y avoir d’autre Indice du Moi que ces deux. Donc le Moi n’existe pas. C’est donc tout simplement un préjugé que la Vue du Moi ; et puisqu’il n’y a pas de Moi, la Délivrance aussi est la destruction d’un simple préjugé, et il n’y a personne de délivré.

Deux vers pour condamner l’erreur.

3. Comment se fait-il que le monde, fondé sur un simple fantôme, ne comprenne pas que la nature de la douleur est continue, soit qu’il la sente ou qu’il ne la sente pas, qu’il soit malheureux ou non, qu’il soit fait d’Idéaux ou non ?

4. Comment se fait-il que le monde, qui voit sous ses yeux naître les existences par Rencontre, s’imagine l’intervention d’un autre agent ? Quelle est donc cette obscurité particulière qui peut faire que l’on ne voit pas ce qui est, et qu’on voit ce qui n’est pas ?

Comment se fait-il que le monde, se fondant sur la Vue du Moi qui est une simple illusion, ne voit pas que la nature de douleur est constamment attachée aux Opérants ? Quand il ne la ressent pas, alors par la connaissance de cette nature de douleur. Quand il la ressent, alors par l’expérience de la douleur[3].

  1. Upâdânaskandha. Ce sont : la forme (rûpa), l’impression (vedanâ), la connotation (saṃjñâ), l’opérant (saṃskâra), la sensation (vijñâna).
  2. Dauṣṭhulya. L’interprétation de ce mot reste à établir. Böhtlingk, qui ne le donne que dans son Supplément, traduit schlechtes Betragen « mauvaise tenue ». Le tibétain le rend par gnas ṅan len pa « obtenir une mauvaise place » ; ce n’est qu’une prétendue traduction littérale fondée sur une étymologie de fantaisie : ṅan = dus ; gnas = sthâ°. Le chinois dit : hiun k’i « vapeur fumeuse ». Le pali a conservé un adjectif duṭṭhulla « mauvais » ; le Vinaya applique cette dénomination aux deux catégories les plus graves de péchés ; duṭṭhullâ âpatti est un péché « criminel ». Le mot semble dériver de l’adjectif duṣṭhu « de mauvaise conduite ». Le Daçadharmaka sûtra (cité Ç. sam. 116, 17), dit que « le dauṣṭhulya du corps, c’est agiter les mains, les pieds, courir, sauter, nager ». Yaçomitra, dans son commentaire de l’Abhidharmakoça (434a) définit le dauṣṭhulya « l’indocilité du corps et de la pensée » kâyacittayor akarmaṇyatâ. Et en effet la M. Vy., § 109 classe le mot dauṣṭhulya (20) à côté de karmaṇyatâ (21) « la souplesse, la bonne disposition ». Le principe du dauṣṭhulya est, d’après ce passage même (et aussi XI, 49), l’Âtmadṛṣiṭi « la Vue du Moi ». Le remède à lui opposer, c’est la praçrabdhi « la rémission ». V. inf. XIV, 20 ; XVIII, 60. Le dauṣṭhulya en bloc (kâya) est identique à la « nature relative » (paratantra-svabhâva) et aussi à la « sensation du tréfonds » (âlaya-vijnâna). V. inf. XIX, 51.
  3. Au lieu de duḥkhasyâduḥkhito, corriger duḥkhaysa | duḥkhito.