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guère à leurs multiples, ni en général aux nombres plus élevés. La raison de ce fait est évidente. Les premiers nombres (jusqu’à 10 ou 12 environ), familiers à la mentalité prélogique et mystique, participent de sa nature, et ne sont devenus que très tard des nombres purement arithmétiques peut-être même n’y a-t-il encore aucune société où ils ne soient que cela, excepté aux yeux des mathématiciens. Au contraire, les nombres plus élevés, mal différenciés pour la mentalité prélogique, n’ont jamais été enveloppés, avec leurs noms, dans ses représentations collectives. Ils ont été d’emblée des nombres arithmétiques et, sauf exception, ils n’ont été que cela.

(F. M., pages 236-237.)

Pourquoi est-ce ici le nombre trois, là le nombre quatre, ou deux, ou sept, ou tel autre, qui prendra une importance prépondérante et qui aura une vertu toute particulière ? La raison doit en être cherchée, non pas dans des motifs purement psychologiques, qui devraient valoir pour toutes les sociétés humaines, quelles qu’elles soient, mais dans des conditions propres à la société ou au groupe de sociétés considérées.

(F. M., page 239.)

Vertu mystique du nombre quatre.

Dans la plupart des sociétés indiennes de l’Amérique du Nord, le nombre quatre a une vertu mystique supérieure à celle de tout autre. « Parmi presque toutes les tribus d’Indiens Peaux-Rouges, quatre et ses multiples avaient un sens sacré, comme se rapportant spécialement aux points cardinaux et aux vents qui soufflent de là, le signe et le symbole employé étant la croix grecque à bras égaux[1]… » Dans le grand récit épique des Navajos, les dieux sont tous au nombre de quatre, et tous se rangent aux points cardinaux, peints de la couleur propre à chacun de ces points. Il y a quatre dieux ours, quatre porcs-épics, quatre écureuils, quatre déesses au long corps, quatre jeunes saints, quatre

  1. Buckland, Four as a sacred number, J. A. I., XXV, pp. 96-99.